Pression sur la FED


Le président américain Donald Trump a appelé lundi la Banque centrale américaine (Fed) à ne pas relever les taux d’intérêt, imposant une pression inédite sur l’institution monétaire qui, selon toute vraisemblance, devrait décider de passer à l’acte mercredi. « C’est incroyable qu’avec un dollar très fort et virtuellement aucune inflation, le monde qui explose autour de nous, Paris qui brûle et la Chine sur la pente descendante, la Fed puisse seulement penser à une nouvelle hausse de taux d’intérêt », a tweeté le milliardaire. Les marchés s’attendent à ce que le Comité monétaire de la Fed (FOMC) relève à l’issue d’une réunion de deux jours, mardi et mercredi, les taux d’intérêt au jour le jour pour la quatrième fois cette année et la septième fois depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. La Fed cherche à prévenir la surchauffe d’une économie dopée par les réductions d’impôts de l’administration Trump alors que l’inflation a atteint la cible de 2% et que le taux de chômage est au plus bas depuis 1969, à 3,7%. Mais depuis des mois, rompant avec la tradition de respect de l’indépendance de la Banque centrale, Donald Trump critique les intentions monétaires de la Réserve fédérale, qu’il a traitée de « folle » et accusée d' »être à côté de la plaque ». Il a même laissé entendre qu’il regrettait d’avoir choisi Jerome Powell en tant que président de l’institution monétaire. Des taux d’intérêt plus élevés renchérissent tous les crédits à la consommation et les crédits immobiliers, ce qui est impopulaire. Et M. Trump n’a pas fait mystère de son intention de se représenter en 2020. Mais surtout, ces hausses renforcent le dollar, ce qui contrecarre les objectifs de réduction du déficit commercial de l’administration Trump, en rendant les importations moins chères et les produits américains plus onéreux à l’exportation. Le resserrement monétaire a aussi fait baisser la Bourse de New York qui, fragilisée également par les tensions commerciales, le Brexit et les perspectives d’une croissance mondiale plus faible, traverse une période de volatilité extrême. Alors que Donald Trump a plus d’une fois mesuré son succès à l’aune de celui des indices boursiers, le Dow Jones a perdu plus de 10% depuis son record d’octobre. Peter Navarro, conseiller au commerce du président, a enfoncé le clou lundi en affirmant que depuis des mois le président avait signalé que « la Fed allait trop vite ». « Là-dessus, l’instinct de Donald Trump a toujours raison », a-t-il lancé sur la chaîne CNBC. Il s’est affirmé « perplexe » vis-à-vis de la démarche de la Fed alors que l’économie est « en plein boom » et qu’elle ne montre « aucune inflation ». Selon lui, la banque centrale veut relever les taux « simplement pour démontrer d’une certaine façon son indépendance face à la Maison Blanche ». « Ce n’est pas un bon argument! », a-t-il estimé. « La Fed ne devrait pas relever les taux mercredi, non pas parce que l’économie ralentit mais parce qu’elle croît sans inflation », a encore affirmé M. Navarro. – Position délicate – Face à ces coups de boutoir de l’exécutif, la position de la Banque centrale n’est pas aisée. Jerome Powell –un ex-banquier, républicain modéré choisi par Donald Trump– s’est attaché à ignorer les critiques présidentielles, assurant que la Fed restait indépendante des considérations politiques. « Il faut qu’une Banque centrale soit éloignée des considérations politiques à court terme », a-t-il affirmé récemment. M. Powell doit tenir une conférence de presse mercredi à l’issue de la réunion monétaire où les taux devraient être augmentés de 25 points de base pour se situer entre 2,25% et 2,50%. Ce qui reste encore historiquement bas, mais tout de même au plus haut depuis douze ans. Alors que cette hausse des taux est attendue à une très large majorité (plus de 70%) par les acteurs financiers, il paraît impossible pour la Fed –à moins d’une catastrophe économique dans les 48 heures– de renoncer à ce relèvement sans décrédibiliser son indépendance. Mais pour la suite, des voix s’élèvent au sein du Comité monétaire et parmi les économistes pour s’interroger sur le bien-fondé de nouvelles hausses graduelles en 2019, alors que la croissance mondiale va ralentir et que celle de la première économie mondiale aussi. M. Powell a lui-même changé de ton récemment, abandonnant le refrain qu’il répétait depuis des mois que des « hausses graduelles de taux » étaient nécessaires.


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