Le pays est malade du « motoneurone », menacé de paralysie


L’opuscule de l’économiste Jean-Paul Betbeze peut se lire comme un viatique à prendre sur le chemin de la guérison de la maladie imaginaire qui affecte les Français. On peut aussi s’en servir comme vade-mecum pour un certain redressement national. Dans cet ouvrage de 112 pages, l’auteur dresse le tableau des handicaps dont souffre la France et établit un diagnostic : la maladie qui ronge le pays est une maladie du motoneurone. Sans trop s’étendre ici sur le sens du mot “motoneurone”, il suffit de souligner que ce terme désigne les fibres nerveuses atteintes dans un groupe de maladies dont les caractéristiques communes sont d’être des maladies dégénératives telles la sclérose en plaque ou la SLA (sclérose latérale amyotrophique). C’est dire à quel point la définition de la maladie choisie par Jean-Paul Betbeze, ancien directeur des études économiques au Crédit Lyonnais puis au Crédit Agricole, aujourd’hui à la tête d’une société d’analyse et de conseil Betbeze Conseil est forte, car elle renvoie à l’image d’un pays paralysé, d’abord partiellement, puis inévitablement et totalement, par une maladie mortelle… mais surtout imaginaire. “La France souffre d’une maladie spéciale : elle est endettée et elle consomme plus qu’elle ne produit. De plus, elle se révèle incapable de freiner cette tendance funeste, car le pays est guidé par un imaginaire “ultranoir”.” Dès l’introduction, le constat est fait : la France souffre d’une maladie spéciale : elle est endettée et elle consomme plus qu’elle ne produit. De plus, elle se révèle incapable de freiner cette tendance funeste, car le pays est guidé par un imaginaire “ultranoir”. Jean-Paul Betbeze, en économiste averti, consacre ses cinq premiers chapitres à décrire la situation économique générale du monde. Il cite d’abord ses classiques : Ricardo, Schumpeter, Keynes, et aussi les mots d’usage tels que “monde post-keynésien”, subprimes, crise, États-Unis, avancés comme autant de chocs successifs. Il évoque, aussi, le déséquilibre offre/demande du pétrole. Il considère que le fameux théorème de Schmidt (Helmut) ne fonctionne plus (les profits d’aujourd’hui font l’investissement de demain et l’emploi d’après-demain). Il constate enfin que les politiques budgétaires connaissent leurs limites, malgré les assouplissements pratiqués dans la zone euro sous l’égide de la “nouvelle” BCE, grâce à l’inimaginable pratique du “quantitative easing”, qui permet à une banque centrale d’acheter des bons du Trésor en créant sa propre monnaie, avatar moderne de l’antique pratique de la planche à billets. “Saturés par trop d’informations, accablés par une croissance molle et de plus accaparée par les riches, nous percevons notre avenir comme de plus en plus noir” L’auteur souligne ensuite que saturés par trop d’informations, accablés par une croissance molle (inutile d’attendre que les dernières innovations améliorent notre futur) et de plus accaparée par les riches (“the winner takes it all”), nous percevons notre avenir comme de plus en plus noir. La litanie des maux qui accablent nos sociétés européennes se poursuit dans les pages suivantes : Brexit, monnaie unique, concurrence fiscale, jusqu’à ce que l’auteur nous livre enfin son diagnostic. La maladie imaginaire définie par M. Betbeze se guérit par un remède choc. Toutefois, cette révélation n’interviendra que dans le dernier chapitre de l’ouvrage, au terme de l’énoncé du diagnostic que l’on peut résumer comme suit. Nous ne sommes pas les seuls à être malmenés. La crise a frappé tous les pays, sans doute différemment, mais très fortement partout. Il devient inutile de pleurer sur les “générations perdues” parties vers la “Silicon Valley”, ou autre “City-Stan”. Il convient simplement de faire en sorte que les jeunes entrepreneurs restent et que des “non-Frenchies” nous rejoignent. Il est aussi nécessaire d’admettre que la guérison ne sera pas rapide, et de se montrer, en conséquence, patients, méthodiques et obstinés. Rétablir la rentabilité de nos entreprises dans la durée fait partie des autres objectifs fixés par l’auteur. Cela en dépit d’une inflation faible, et sans attendre que celle-ci remonte au-delà des 2 %, comme un remède miracle. Cessons de privilégier l’immobilisme. Cessons de nous résigner à accepter ce qui nous arrive. Cessons “de changer, pour ne pas changer” nous recommande encore Jean-Paul Betbeze. “Faire en sorte que les jeunes entrepreneurs restent et que des “non-Frenchies” nous rejoignent” Puis, il termine son ordonnance en recommandant de ne pas en rajouter en inquiétant inutilement. Pour lui, contre-paraphrasant un mot célèbre, ce n’est pas la peine de parler de faillite. Serait-ce un conseil déguisé à nos futurs dirigeants ? In fine, notre monde ne va pas s’effondrer. Il va s’adapter et changer avec de nouvelles vagues d’innovations et avec l’aide de la finance. Au terme de son diagnostic, M. Betbeze, tel un moderne docteur Knock, délivre le remède qui combattra la maladie imaginaire motoneurone de la France. Il est redoutablement simple, c’est la confiance. Seule la confiance nous guérira de la terrible maladie du motoneurone.


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